OBÉSITÉ DISCRIMINATOIRE, LA BALANCE DE L’INJUSTICE

Les couplets affectés, déblatérés à longueur de discours sur l’humanité des entreprises, sonnent étrangement avec certaines pratiques de gestion des ressources humaines. La discrimination pour cause de surpoids en est un exemple flagrant.

Plusieurs études en témoignent, l’obésité est une cause de discrimination à l’embauche et à l’évolution professionnelle. Les raisons profondes de cette ségrégation reposent sur des stéréotypes considérant que le problème de surpoids est de la responsabilité exclusive des individus jugés paresseux, émotifs, en mauvaise santé…

MALADIE CHRONIQUE
L’obésité est une maladie chronique dont souffrent 8,5 millions de per- sonnes, soit 17 % de la population française. Une proportion qui a doublé en vingt-cinq ans. Ces chiffres sont d’au- tant plus inquiétants que l’on constate l’apparition d’une obésité chez des enfants de moins de 5 ans, ce qui n’était pas observé il y a vingt ou trente ans. Comment peut-on affirmer qu’un enfant de cinq ans ne se dépense pas ? Pourtant, l’idée que la modification du comportement des personnes obèses suffirait à régler leur problème est très répandue.
Pour le Collectif inter-associatif pour la santé environnementale (CISE), « Faire reposer la lutte contre l’obésité sur la seule responsabilité des individus est une ineptie ».
Cette discrimination touche davantage les femmes que les hommes. Ainsi le démontre le baromètre réalisé par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) en 2016, qui indiquait que « les femmes obèses étaient huit fois plus souvent discriminées à cause de leur apparence physique que les femmes à l’IMC normal [l’indice de masse corporelle]. Les hommes l’étaient trois fois plus que les hommes de poids “normal”. »
Conséquence de ces discriminations : les travailleurs obèses ont plus de risques d’être en situation de déclasse- ment social, avec un niveau professionnel ne correspondant pas à leur niveau d’études, et des salaires moins élevés.

DOUBLE PEINE
Ces personnes, qui souvent doivent supporter au quotidien les regards et remarques blessantes, subissent une double peine quand un emploi leur est refusé en raison de leur physique, d’autant que ce motif n’est pas officiellement avancé. Et pour cause, de telles discriminations sont interdites par la loi. Elles sont cependant si difficiles à prouver que les démarches engagées par les obèses sont extrêmement rares.

ON NE NAÎT PAS GROS !
Selon Gabrielle Deydier, autrice d’On ne naît pas grosse (Éditions Goutte d’Or, 2017) le changement201 passera davantage par une attitude plus offensive des obèses eux-mêmes : « Il faut qu’ils s’affirment, qu’ils cessent de s’autocensurer. C’est une autre raison de leurs difficultés sur le marché de l’emploi : ils ont tendance à ne jamais se plaindre, et parfois à ne pas croire en leurs chances dans certaines entreprises. »

Des initiatives voient d’ailleurs le jour pour les aider à reprendre la main sur le marché de l’emploi, tel le programme européen Aspire1 qui s’est achevé en mars. Lancé en 2019, il a accompagné mille personnes obèses en France et en Angleterre afin de développer leur employabilité.

Il est navrant que l’entreprise ne prenne pas plus en considération cette discrimination qui s’inscrit dans une vaste et vaine fuite en avant consistant à courir vers le modèle d’humain de la bonne taille, la bonne couleur, docile, obéissant, efficace… qui n’existe pas !

Serge Huber